SURF ET
CHEVALERIE
Tous les
surfeurs vous le diront, le surf n’est pas qu’un sport, c’est un art de vivre.
Certes, mais
bien plus encore si l’on observe sa sémantique, sa mythologie et ses coutumes,
le surf est un avatar presque identique à la chevalerie.
Au cours des xiie et
surtout xiiie siècle
qui furent sans doute les siècles d’or, la chevalerie se structure comme une
véritable classe avec ses codes, ses valeurs et son mode de vie. Ses vertus traditionnelles vues par le
prisme de la littérature, sont de nobles sentiments
tels l'humilité, la bravoure, la courtoisie, la foi et l'honneur. Les chevaliers tout comme les grands surfeurs incarnent des
valeurs communes, des comportements et des mentalités caractéristiques, la
valeur, l'audace, la soif de gloire, le souci de la réputation, le sens de l'honneur, l'engagement personnel mais aussi la largesse, la prouesse,
la courtoisie. La foi a juste fait place
à la conscience écologique et le respect pour la planète.
Nul besoin
d’avoir beaucoup d’imagination pour être frappé par les similitudes entre la
silhouette athlétique d’un surfeur aux cheveux longs et dorés revêtu de sa
combinaison et armé de sa planche avec un chevalier en armure et baudrier tout
droit sorti des légendes de la table ronde ou de Lohengrin. La nature du Graal
a donné lieu à toutes sortes d’interprétations symboliques ou ésotériques et de
même, qu’elle soit la vague la plus haute jamais surfée ou le simple
dépassement de soi, la thématique de la quête est intimement liée à la pratique
du surf. Dans sa mythologie même le roi Arthur se réincarne dans le Duke Kahanamoku, à la table ronde
siègent la fine fleur, Gerry Lopez, George Downing, Greg Noll et pour les plus récents,
Kelly Slater, Rob Machado et Laird Hamilton, et comme il se doit il y a un
chevalier noir, Miki Dora, déviant, charmant, auteur de sa propre légende ou
encore l’ange déchu, l’éblouissant Andy Irons, victime de ses propres démons.
Viennent les pages, ces adolescents extraordinairement doués, fins comme des
brindilles et qui seront les héros de demain. Si j’évoque Excalibur, la petite
planche rouge sang zébrée d’or, les surfeurs sauront de qui et de quoi je
parle.
Tintagel est sans
conteste à Hawaïi, siège suprême des tous les hauts faits même si la vague la
plus monumentale, que l’on pourrait aussi bien comparer au dragon est à Nazaré
au nord du Portugal. Pendant les tournois, les chevaliers
s'affrontaient pour gagner du prestige et de la renommée et
espérer connaître une ascension sociale. De nos jours, les joutes où se défient les champions sont organisées
par de grandes marques, qui en cela ont remplacé les cours mais les belles sont
toujours aux loges et le prix sonnant et trébuchant. Enfin, il y a le rituel
funéraire ; lorsque l’un d’entre eux s’en va, la communauté des surfeurs
s’assemble au large et forme un grand cercle pour lui rendre hommage. Dans
aucun autre sport on ne retrouve cela.
A son déclin le titre de chevalier se banalisa étant acquis, moyennant
finances, par les bourgeois enrichis des villes devenues prospères. Avec la commercialisation et la
popularité du surf, jadis sport des rois, l’idéal du surf s’est galvaudé et l’on pourrait craindre qu’il ne
disparaisse tout à fait mais Non, il reste des âmes nobles, des cavaliers
solitaires et souvent itinérants pour qui l’art et l’esprit sont encore
intacts. Ils surfent seuls, au petit jour et par tous les temps ; lorsque
les vagues sont démontées, les embruns et la distance préservent leur anonymat.
Ceux là sont les seigneurs de la mer, ils sont encore et toujours en quête de
leur Graal et avec eux la chevalerie renait.